La peinture

 

Colette au Chevalet

Artiste Peintre Portraitiste

Médaille d’Argent de l’Académie ARTS-SCIENCES-LETTRES

Membre de la Société Nationale des BEAUX-ARTS

L'ENVIE DE PEINDRE :

            Chercheuse de lunes, rêveuse de dunes, fouilleuse de brumes… ou les Très Riches Heures d’une vie buissonnière passée à contempler l’au-delà des couleurs, des rumeurs et des leurres.

           Grâce à une enfance sans télévision ni loisirs forcés, où l’on m’accorda le droit de m’ennuyer, rêvasser, observer, j’ai pu m’inventer un monde sur mesures, danser, pianoter, lire, écrire, dessiner.

Heures exquises passées à traquer du regard la moire tourmentée des flaques d’huile sur le port, le blanc exaspéré de l’écume sur le sable, les éclats micacés du granit au ponant, la crinière menaçante des vagues d’équinoxe, la dentelle mouvante de la mer apaisée, les déchirures de l’aube dans les nuages sombres, et la nacre diaprée des bulles envolées.

             Secouée par les coups de faux d’une Camarde obstinée, ma mémoire s’est gavée de silhouettes, d’attitudes, de visages et de phrases, de preuves de vie, en somme. Sur un mur du séjour, le portrait d’une Colette disparue à dix ans, étonnamment vivante dans sa toile immobile, a suscité l’envie d’apprendre à célébrer la vie différemment, comme Charles Nitsch, son portraitiste. Un tableau ne meurt pas. Au hasard des musées et des ouvrages d’art, la découverte, entre autres, de peintres inspirés comme Vermeer, Botticelli, La Tour, Le Caravage, Goya, Tanguy, Fini, de sculpteurs magiciens comme Degas et Claudel, m’a permis de comprendre que seuls une grande rigueur, un labeur obstiné inaugurent et suscitent la spontanéité, l’audace, la liberté en protégeant l’artiste de la facilité.

            Rompue aux exercices de l’humilité grâce à l’apprentissage exigeant du piano et de la danse classique, mes yeux, mains et cerveau avaient faim de savoir toutes les lois qui régissent la genèse d’un tableau : fabriquer un châssis, choisir une toile, la tendre, élaborer l’enduit, connaître les pinceaux en fonction de l’usage, comprendre la chimie des pigments, des médiums, la réactivité de ces substances entre elles… Je voulais qu’on m’enseigne l’Artisanat de l’Art.

            Interdite de séjour à l’école des Beaux Arts par des parents soucieux de protéger leur fille des turpitudes soufrées que la fréquentation des artistes supposait, j’optai pour le cursus "Arts Plastiques" nouvellement créé. Si je n’y reçus pas le moindre apprentissage de techniques plasticiennes, faute de directives transmises aux enseignants, l’Histoire de l’Art me confirma que la "liberté d’expression" placée en facteur commun devant tout depuis 68 devenait plus despotique que les règles jusque là érigées par le bon sens et l’expérience. Quant à la psychologie expérimentale enseignée par Mr Humbert-Droz, elle m’offrit de comprendre les relations intimes reliant entre eux l’œil, les deux cerveaux, la chose regardée et la chose restituée, ce que Merleau Ponty dans son "L’œil et l’Esprit" me confirma plus tard. Il y eut aussi l’histoire de la Peinture elle-même avec, en leitmotiv, la place prépondérante de la lumière du jour. Respectueuse d’icelle et soucieuse d’imiter les peintres impressionnistes, j’ai planté le chevalet sur la plage, les rochers, le port et le trottoir… pas longtemps : mille moucherons se collaient sur la toile, les promeneurs curieux m’assaillaient de questions et la lumière du jour me fatiguait les yeux. À ce jour je ne peux peindre qu’en atelier et, surtout, bien après le coucher du soleil. Voici comment j’explique cette bizarrerie :

            Au lever du soleil, quand le monde s’éveille, la vie s’engouffre en nous par les portes ouvertes des organes récepteurs ; les sensations, les sons, les odeurs, les saveurs, les formes et les couleurs nous envahissent alors jusqu’à la plénitude, c’est à dire l’apaisement des faims de tous nos sens. La nuit, par le sommeil et les rêves successifs, nous évacuons chacun le trop-plein, le nuisible jusqu’à ne conserver que ce qui nous construit. Excessivement poreuse à tout ce qui m’entoure, j’absorbe excessivement toutes les ondes émises par le monde diurne et perds donc, tout le jour, ma faculté d’émettre à mon tour vers ce monde. Les heures où la lumière augmente jusqu’au zénith sont celles qui me nourrissent ; celles où le jour décroît tandis que le soleil redescend vers le soir sont celles où j’assimile, où je digère, en somme. Ce n’est qu’au crépuscule que mes sens saturés peuvent enfin traiter toutes les informations reçues de l’extérieur ; je jette dans l’oubli ce que je n’ai pas compris ou ce qui m’indiffère puis je traite au creuset de mon rêve éveillé ce qui m’a enchantée, exaltée ou blessée, enfin, ce qui m’a touchée. Là, dans la solitude et la paix nécessaires au travail alchimique de toute création, j’attise le feu secret de l’imagination jusqu’à ce que l’émotion née des informations captées dans la lumière devienne, aux heures d’ombre, l’humble offrande qu’à mon tour je pourrai faire au monde.

            Aussi loin que ma mémoire veuille bien régresser, si je ne me souviens pas de journées sans dessin, je n’ai commencé à peindre qu’à l’âge de quinze ans. À la gouache d’abord car, en plus d’être chère, l’huile m’intimidait, sans doute à cause du fameux portrait, réalisé par Charles Nitsch, que tous admiraient, et dont je devinais qu’il me serait impossible de l’égaler jamais. Et je le crois encore.

            Donc, déçue et frustrée de n’avoir pas reçu à l’Université le savoir escompté, désenchantée, lassée des discours hermétiques, redondants, ridicules que l’artiste méprise mais que son art suscite, je jetai dans l’oubli mes pinceaux et mes rêves.

Cependant, fascinée par la machine humaine, j’optai pour l’Esthétique. Si les soins de confort et d’embellissement m’ont longtemps passionnée, c’est le maquillage sous toutes ses formes qui m’a enchantée. Stabiliser les fards, qu’il fasse chaud, froid, humide ou sec, sur une peau qui peut être acide, basique ou réactive impose de connaître la chimie cosmétique. Appréhender chacun d’un regard simultanément micro et macroscopique, en deviner la quintessence depuis l’ossature jusqu’à l’émotion, en célébrer l’unicité, les différences, les défaillances pour le parfaire, réconcilier l’organique et le spirituel, doser couleurs, valeurs, brillances et matités jusqu’à ce que les fards et mon travail s’oublient, que ce visage se reconnaisse et se réconcilie jusqu’à se sourire… C’est finalement par le maquillage, que sans le prévoir, j’ai appris à peindre. De la même façon, c’est en les soignant dans mon institut que j’ai étudié les mains et les pieds, le corps tout entier. Ces années passées à lire les joies, les peurs des visages, les prières des mains, les chagrins des ventres, les fatigues des dos m’ont appris que l’humain a besoin de beauté. Quand l’œil reçoit du beau, quand le corps et l’esprit se rassemblent un instant, le cerveau se réjouit et génère le courage, l’envie d’aller plus loin. D’avoir vu repartir mes clients souriants, réconfortés, confiants m’a confirmé que l’art, quelque forme qu’il prenne, leur était nécessaire autant qu’une médecine. Entendre, plaindre et oindre, compatir et pétrir, plaisanter et masser, m’extasier, maquiller… voilà, en quelques verbes, mon vrai apprentissage.

            Cependant que l’artiste semble né pour servir le sacré, l’éthéré, le divin, l’artisan, lui, se met au service de l’humain. Rétrospectivement, je dois à mes parents un grand remerciement pour m’avoir, finalement, permis de demeurer l’artisane appliquée dont la rusticité est l’antidote puissant contre les vanités auxquelles l’artiste en moi aurait pu succomber.

À PROPOS DE MA PEINTURE MEDIUMNIQUE

            Tout d’abord la palette : les deux blancs nécessaires aux brouillards de lumière, le noir et l’indigo dont j’aime à me vêtir, l’ocre, l’orange et l’or dont tous les bleus raffolent, la sienne des pénombres et le sang de garance. Sur la platine : des chants liturgiques orthodoxes ou de la viole de gambe ou toute autre musique dont l’esprit se régale. Et sur le chevalet : une toile de lin fin enduite et poncée plusieurs fois.

            Longtemps je reste là, à contempler l’abstrait de la surface blanche pour m’abstraire du réel. Sans projet, sans idée, sans esquisse ni plan, je dépose çà et là quelques taches de couleurs et puis je les efface, n’en laissant que les traces. Je retourne la toile et la retourne encore jusqu’à ce que j’y "voie" ce qui veut apparaître. Alors mes yeux se voilent et un autre regard se substitue au mien ; il traverse la toile, le mur de l’atelier et le monde alentour pour rejoindre un espace et un temps que j’ignore ou que j’ai oublié. Ce troisième œil compose le décor du tableau cependant qu’à mon cœur "on" chuchote la scène que je dois reproduire. Des visages apparaissent, parfois inachevés, comme autant de portraits d’êtres désincarnés curieux d’enfin se voir dans le miroir de toile. Cette "possession" momentanée est grandement facilitée si mon corps tangue sur la musique, cette légère transe achevant d’abolir d’éventuelles résistances de mon corps organique à l’étrange invasion d’une autre volonté.

            Si la plastique elle-même de ces tableaux est liée à l’expérience acquise depuis l’adolescence, leur genèse suppose mon entière vacuité, un vide intellectuel et une paresse mentale proche de l’indifférence. Je ne suis pas l’auteur des œuvres médiumniques, seulement l’exécutante. Au contraire des tableaux que j’ai souhaités, pensés, élaborés toute seule sans la moindre incursion du peuple de l’astral, et pour lesquels j’ai dû aspirer, transpirer, enrager quelque fois (les portraits, par exemple) qui ont nécessité une vraie "inspiration", les tableaux médiumniques m’ont été extirpés, dérobés, arrachés. Par qui ou quoi ? Je l’ignore. Pour qui ou quoi ? Je n’en sais rien non plus mais ces œuvres étranges exigent que je les expire. Cette peinture différente tend à représenter l’intangible, l’invisible par la touche pudique des pinceaux qui n’y laissent pas d’empreintes et par l’estompe des teintes, si fondues par endroits qu’elles ne sont plus nommables.

            J’ai parfois l’impression de peindre une mémoire qui ne m’appartient pas, d’esquisser une histoire que je n’ai pas vécue, ou alors il y a longtemps, bien avant d’être née… une histoire sépia.

 

TERENCE M 1 tableauAnne 12 ans (Détail)  (55x33) Huile sur Lin   1,13 Mo Photo Didier AvenelAutoportrait Marin Huile sur toileLes Silences de Julie huile sur toile023

 

 

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